Les joies de la grossesse

Quand on est enceinte, qu’on parle avec une femme enceinte, l’expression « les joies de la grossesse » revient souvent. À la fois employée au premier comme au trente-sixième degré, maintenant que la mienne — de grossesse — touche à sa fin, je voudrais m’exprimer sur le sujet.

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Déjà, je veux commencer avec une banalité que tout le monde sait mais que tout le monde semble oublier aussi vite : CHAQUE GROSSESSE EST DIFFÉRENTE. D’une femme à l’autre, mais aussi pour une même femme, d’un enfant à l’autre. Je ne vous apprends rien (enfin, à certain(e)s il faut croire que si), mais ça peut merveilleusement se passer, comme très mal. Certaines auront à peine des symptômes indésirables, d’autres vont vivre un véritable enfer. Je ne peux parler que pour moi, et c’est exactement ce que je vais faire. J’invite toutes celles qui le veulent à s’exprimer sur leur propre grossesse mais je vous en prie, ne parlez pas pour les autres.

Dès le début, j’ai eu le droit aux symptômes classiques mais plutôt désagréables : les nausées, la grande fatigue, les vomissements. « Mais ça passera au 2ème trimestre, ne t’inquiète pas ! ». Pour la fatigue, ça s’est calmé — en même temps, difficile de surenchérir sur un besoin de 12h de sommeil sur 24h —, les nausées, pour la plupart aussi, mais les vomissements, non. Là, j’ai tout entendu :

– « Tu es sûre que ce sont des vomissements ? » Sérieusement les gens ? Comment voulez-vous confondre ça avec autre chose ?
– « C’est tellement rare les femmes enceintes qui vomissent jusqu’à la fin… » Oui, je sais, merci de me le rappeler, je me sens tellement mieux maintenant de savoir que je fais partie de cette catégorie d’élues !
– « Au moins tu ne risques pas de trop grossir ! » Bah figurez-vous que ça n’a rien changé à ma prise de poids, donc c’est d’autant plus frustrant.

Et voilà, on y est : bienvenues à toutes ces remarques intrusives que chaque femme enceinte subit lors de ses merveilleux mois de grossesse.

« Tu ne devrais pas manger ça » « Tu devrais plutôt faire ça»
« Je suis sûre que c’est à cause de ça que tu vomis/grossis/[
verbe reprenant un symptôme désagréable] ».

Aux dernières nouvelles, le fait d’avoir été enceinte ne décerne aucun diplôme médical sur le sujet, alors laissons médecin généraliste, gynéco, sage-femme et tout le bazar médical qui nous suit chaque mois faire leur travail.

Viens la question des kilos. « Alors, t’en as pris combien ? » Cette question revient, beaucoup, beaucoup trop souvent. Pour ne pas dire systématiquement (mais non, c’est pas systématique, les hommes en général vous épargne cette question et je ne les remercierai jamais assez pour ça). Chaque femme prend du poids différemment et que je sache, ce n’est pas contagieux. Donc autrement dit : on s’en fiche. Je vais être honnête : j’ai toujours eu un problème avec mon poids. Aussi loin que je m’en souvienne, je déteste ce qu’on appelait mon « petit ventre de bébé » et qui s’est transformé en « petit ventre rond que j’ai jamais perdu ». Mais je pensais que la prise de poids pendant ma grossesse serait la seule avec laquelle je serai en paix. Spoiler : NON. Et aujourd’hui, il suffit de voir à quel point ça fait débat dans notre société, quasiment toutes les femmes sont touchées par ce fléau qu’est l’obsession du poids.

ALORS POURQUOI, POURQUOI, VOUS OBSTINEZ-VOUS À NOUS POSER CETTE QUESTION ?

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Vous aimeriez, vous, qu’on vous demande tous les jours combien vous avez pris de kilos, alors qu’on sait que ça tourne autour de + 10 kg en moins d’un an ? Non, vous ne m’aimeriez pas. Et devinez quoi : les femmes enceintes non plus. Si on a le courage/l’envie de vous répondre, qu’allez-vous nous dire ? Le même chiffre ne signifie rien d’une femme à l’autre. En général, on a le droit à une banalité du genre « ça va encore », que vous auriez dite quel que soit le poids annoncé, donc autant s’abstenir, non ? On est déjà assez sur les forums à désespérer face aux reproches de notre gynéco quant à notre prise de poids plus ou moins importante, à pleurer sur ce corps qu’on ne retrouvera jamais, sur ces vergetures qui ont décidé d’apparaître malgré la fortune qu’on a dépensée en produits divers pour les éviter. Alors vraiment, arrêtez avec cette question et gagnez toute notre reconnaissance.

Et la grossesse ne se résume pas qu’à ça, évidemment : c’est aussi oublier que tout d’un coup, parce qu’on a un bébé dans le ventre, n’importe qui à le droit de vous toucher (est-ce qu’on tâte vos bourrelets à vous ?), c’est devoir sourire et dire que c’est merveilleux quand vous sentez le bébé bouger alors que parfois ça-douille-sa-mère (il faut arrêter de mentir : recevoir des coups de pied dans les boyaux, ça n’a jamais été agréable) et c’est évidemment tout le stress autour du fait de « subir son état », sans parler des symptômes, seulement du fait que vous portez la vie mais qu’il peut arriver n’importe quoi, vous en avez la responsabilité sans pouvoir faire quoi que ce soit pour la protéger. La grossesse, c’est tout ça. Le « miracle de la vie », oui, mais en gardant à l’esprit que le miracle c’est le résultat, et que le chemin parcouru n’a rien d’un joli conte de fée. Alors à toutes celles qui passent par là, sont passées par là, veulent passer par là : courage. C’est pas grand chose, mais je suis de tout cœur avec vous.

Malgré tout, je veux finir cette tirade en remerciant tout ceux qui ont pris de mes nouvelles, qui se sont inquiétés de mon état : ça me touche à chaque fois, sincèrement (oui, même si vous avez peut-être « commis » une des maladresses ci-dessus).

En fait, je ne vais pas finir sur ça. Car même si c’est vrai que c’est la mère qui porte le bébé, je remercie tout particulièrement ceux qui ont aussi pensé au papa : c’est lui notre premier soutien, notre premier rempart face à ce bouleversement complet, bouleversement qu’il ne vit peut-être pas physiquement, mais dont il subit en premier plan la moindre conséquence. Merci à toi, d’être là, de m’aimer chiante, complexée, fatiguée, frustrée, parfois désespérée ou paniquée. Merci.

Et ma fille, si un jour tu me lis : non, cette grossesse n’a pas été le paradis avec lequel on nous berce d’illusions, mais j’ai eu de la chance, car j’étais bien entourée, par ton papa en premier. Et si tu es le résultat, alors tout ça en vaut bien la peine.