L’horreur.
Je ne dormais pas mais c’est un véritable cauchemar qui m’éveille.
Les attentats de janvier ne sont pourtant pas si loin.
Je n’avais pourtant pas oublié.
La France sort de son cocon dans lequel elle s’était renichée et se réveille dans la douleur.
Je ne dis pas que tous les Français avaient oublié le 11 janvier, je dis juste que c’est plus facile d’oublier, de “mettre de côté dans un coin de sa tête” quand ce n’est pas son quotidien.
Ils sont trop nombreux à vivre ça chaque jour, alors que nous on s’est presque habitué à entendre ça aux infos.
“Encore un attentat suicide” “Toujours de nouveaux réfugiés syriens à accueillir”…
Notre quotidien, c’est de l’entendre, de le voir de loin, pas de le vivre.
Mais là, la France est en deuil. La France souffre : on l’a frappée en plein cœur, Paris saigne. Le Stade de France, le Bataclan, le 11ème arrondissement…
Cette nuit, nous avons perdu des compatriotes dans le plus gros attentat que les Français n’ont jamais connu sur leur sol.
Moi, j’étais dans mon lit, je regardais ma fille. Elle a eu du mal à trouver le sommeil cette nuit-là, mais a fini par s’endormir paisiblement dans les bras de son père et moi. Nous avions le cœur lourd et on est resté là, blottis tous les trois, en silence.
Le lendemain matin, j’ai décidé de ne pas regarder les réseaux sociaux. J’avais déjà pris des nouvelles de mes proches à Paris, je les savais sain et sauf et égoïstement, j’ai voulu me contenter de ça. Puis je savais que j’allais y voir : des élans de solidarité se mêlant à des messages de haine et de colère, le tout ponctué de désespoir.
Peace for Paris — @Jean_Jullien
La colère, je la comprends, la solidarité, je la partage et l’encourage. Le désespoir et la haine sont malheureusement des sentiments qui découlent naturellement de ce genre de drame.
Comment réagir face à une telle folie meurtrière ? Face à de telles horreurs ?
Je pense à ceux qui ont perdu un proche, à ces parents dont l’enfant ne rentrera jamais. J’en frissonne. Si c’était mon enfant, saurais-je avoir plus de recul ? Je l’espère, mais ça serait prétentieux de dire que j’en suis sûre et à vrai dire, j’en doute sincèrement. L’amour que l’on porte à ceux qui nous sont chers nous fait perdre toute lucidité et je le sais alors même que je n’ai pas vécu de choses aussi terribles.
Mais alors, que faire ? Céder à la terreur ? Arrêter de vivre ? Se morfondre sur le monde dans lequel on vit ? Non. Je le refuse !
Certains s’interrogent sur l’intérêt de vivre dans un monde pareil et surtout sur le bien-fondé d’y élever nos enfants. Pas moi. Ma fille, cette nuit-là, m’a apporté du réconfort dans son visage serein et endormi. Pour elle, je me suis réveillée en me disant que la vie ne s’arrêtait pas là. Au contraire, je veux me battre pour qu’elle grandisse dans un monde meilleur. Mes aïeuls se sont déjà battus pour ça, pourquoi pas nous ?
Évidemment, je suis contre la guerre, mais ce n’est pas ce que j’entends par se battre. On peut se battre sans arme. Se battre contre le terrorisme, c’est garder le sourire et continuer de vivre, ne pas céder au règne de terreur qu’ils veulent établir. Peut-être me trouverez vous naïve.
Mais quand, dans quelques années, ma fille apprendra dans son livre d’histoire les détails de cette nuit sanglante, je veux qu’elle sache que ce n’est pas une fatalité et qu’elle doit se battre pour préserver ce qu’il y a de beau dans ce monde. Et ce combat commence par nous.