Tourner la page

J’ai une page que j’ai besoin de tourner, et ça fait des mois que les mots tourbillonnent dans ma tête, mais s’en trouver la paix, j’espère la trouver ici. J’en parle autour de moi, à mes proches, mais je sens que j’ai besoin, encore une fois, de les écrire. Pourquoi encore une fois ? Car j’ai déjà écrit des mots, des dizaines et des dizaines de lignes, au principal intéressé.

Alors que je me décide enfin ce soir à m’épancher ici, je réalise que ça doit faire un an depuis son dernier message. Ça pourrait y ressembler, mais non, je ne décris pas un chagrin d’amour. Je parle de ce qu’on peut appeler un « chagrin d’amitié ». On n’en parle pas aussi souvent, même si j’ai trouvé des articles, ici ou encore . Alors que ça fait si mal. Une amitié peut être fusionnelle, sauf qu’on ne s’attend jamais à ce qu’elle finisse. Et pourtant.

Il y a 10 ans, je rencontrais quelqu’un sur les bancs de la fac et il allait devenir mon meilleur ami. C’est peut-être puéril comme appellation me direz-vous, mais c’est pourtant ça. Très rapidement, ça a été le « meilleur », celui qui me comprenait le mieux dans mon entourage proche, avec qui je parlais des heures, ça ne me vient pas en français et je m’en excuse, mais il était réellement « my better self », version masculine.

Les années ont passé, avec de la distance, parfois physique mais pas toujours, mais on était là l’un pour l’autre, on semblait évoluer dans le même sens. Il avait adopté ma famille, mes amis, et mon homme. Il m’avait vue dans mes jours les plus sombres et moi dans les siens.

Puis l’année dernière, tout a basculé dans ma vie et dans notre amitié.

Dans ma vie, ça a été plutôt brusque : quand j’ai appris ma grossesse, on a cherché un nouveau chez nous, on a revu nos projets, nos priorités. C’était très fort. Mais aussi très flippant. C’était une année riche en émotions, aussi bien des grands moments de joie, que des périodes de doutes ou de peurs.
Dans notre amitié, le changement n’a pas vraiment été brusque. Il n’y a rien eu de radical, simplement… il n’a pas été là. Il a fallu que je réclame, mais qui réclame son meilleur ami ? Où était passé son sixième sens, qui était de toujours savoir quand j’avais besoin de lui ? Puis j’ai fini par être trop fatiguée, physiquement comme moralement, pour le « réclamer ».

Je lui ai dit ce que j’avais sur le cœur, il ne voyait pas les choses sous le même angle. Ce qu’il a vu comme un besoin pressant d’attention de ma part, je l’ai vécu comme un abandon de la sienne.

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Un an. Un an de silence.

Je ne comprendrai sûrement jamais ce qu’il s’est passé au point qu’il décide que je n’en valais plus la peine, que mon amitié n’était plus qu’un poids pour lui, dont il se devait se débarrasser (enfin ?). Il avait déjà laissé de côté des amitiés avant. Certains me diront alors « Tu aurais dû t’en douter ! », et vous ne serez pas les premiers. Mais je ne l’ai jamais vu comme ça, j’ai même toujours refusé de le voir comme ça. Je l’avais même toujours défendu auprès de ces amis, déçus et délaissés. Puis ça m’est arrivé à moi et il n’y a plus personne pour me contredire. Même pas lui.

Heureusement pour moi, quelqu’un est venu couvrir ce silence. Ce silence est toujours douloureux, mais il est chaque jour moins lourd à porter, comblé par des cris, des pleurs, des balbutiements.

Car dans deux jours, cela fera déjà un an qu’un petit cri a retenti dans une salle d’accouchement, un soir, très tard, à la maternité Jeanne de Flandre. Et pour elle, il est temps que je tourne la page.